Encore une voiture qui passe, encore une voiture qui ne s'arrêtera pas. Au loin, ils aperçoivent des lumières, sûrement un hameau. Dans 15 minutes, peut-être 30 ils l'atteindront. L'épuisement qui émane d'eux est tel que leurs visages sont devenus déformés, effrayants.
Au bout d'un temps qui leur a paru interminable ils atteignent enfin, les premières maisons. Quand enfin ils arrivent au milieu de ce bourg, une odeur de pain vient leur chatouiller les narines et leur rappeler qu'ils n'ont pas mangé depuis presque une journée complète. La boulangerie est cependant fermée. Ils repartent. S'ils restent là l'odeur les rendra fous et le peu de part humaine qu'il leur reste s'envolera comme un fétu de paille. Un abri. Ils s'arrêtent et s'asseyent quelques instants grelottant de froid. L'un des deux commence à s'assoupir et l'autre commence à lui mettre des claques pour le réveiller. Ils se remettent en route. Tout devient désespéré. Ils commencent à renoncer. L'un trop fatigué, l'autre trop gelé. Le camion des éboueurs passe leur redonnant une forme de fierté : " Non, on ne s'arrête pas, on continue, le plus dur est derrière nous ". S'ils savaient qu'ils n'ont pas encore atteint la moitié...
" - Si on se fait prendre en stop, demain je mets un cierge à l'église
- J'irai à la messe, plus souvent moi."
Quand on est désespéré, on se rattache à la foi et, ils le sont réellement à ce moment.
"- J'aurais dû m'habiller plus chaudement.
- J'aurais dû manger avant de partir en soirée.
- Pourquoi on a eu cette idée ?! On aurait pu dormir au chaud chez notre ami si on n’avait pas pris ce dernier verre. Il nous avait prévenus que le dernier tram était à 23h30.
- Oui, on a été cons."
Puis plus un mot. Ils avancent en silence. Ils sont restés silencieux quasiment tout le chemin. Le bourg est derrière eux maintenant, les éboueurs devant. Un arrêt de bus abrité est de l'autre côté de la route. Ils s'arrêtent définitivement. 5h du matin. le froid est à son paroxysme, ils n'ont plus rien de sec.
Ils attendent. Une voiture arrive, ce n'est plus du stop qu'ils font, ils se sont mis au milieu de la route, en pleine nuit et effectuent avec leurs bras des signaux de détresse. La voiture klaxonne, et passe en trombe sans les prendre. C'était des policiers. Ils sont anéantis et n'y croient plus, pour la première fois ils envisagent l'idée de se retrouver demain dans le journal. Le titre : " Deux adolescents de 18 et 19 ans morts gelés ".
Un bruit de nouveau au loin, et deux lumières qui se rapprochent. Il n'y a plus à hésiter. De nouveau des signes de détresse, mais cette fois la voiture s'arrête. Ils se font prendre. C'est un pompier qui vient de finir sa garde de nuit et il va à Chambéry. Ils apprennent par le pompier qu'ils viennent de marcher 25 km avec des températures entre 0 et - 5°C et que Chambéry est encore à 25 km...
j'ai eu peur pour eux jusqu'au bout.
RépondreSupprimerBeau talent de conteur.
A très vite !
Moi pas trop... ils sont coriaces ces savoyards!
RépondreSupprimerEn tout cas c'est assez amusant de retrouver ici cette anecdote bien connue ...
L'ami en question