vendredi 6 août 2010

Chaleur de l'hiver

C'était une lettre qu'il avait reçu, une de ses premières. Une lettre relativement sérieuse. Le format était différent de celui habituel et, bien que celle-ci lui fût adressée, il savait déjà qu’il n'était pas le seul à l'avoir reçu. Quand il l'ouvrit, il fut à la fois rempli de joie et de déception. Un coup de téléphone aurait été préférable et l'apprendre de cette façon le décevait profondément. Cependant, il fit, comme il avait pris l'habitude de le faire, comme si cela ne l'atteignait pas.

C'est au bout d'une semaine, malgré le froid de ce mois de mars, au milieu des montagnes qu'il décida de prendre la route avec son vélo. A treize ans, prendre la voiture pour réaliser ce projet est un peu compliqué. Il prit donc son vélo, s'habilla suffisamment chaudement pour ne pas avoir froid mais sans trop se vêtir non plus, il savait que la morsure glaciale de l'hiver ne l'atteindrait pas autant que ça à la vue de la dépense énergétique qu'il allait devoir fournir pour accomplir les quelques kilomètres le séparant de son point d'arrivée.


C'était au beau milieu de l'après-midi, les rayons de soleil perçaient timidement le ciel nuageux venant le réchauffer de leur mieux pour son entreprise. Ce n'était pas le trajet qui l'effrayait, c'était l'arrivée et l'accueil qui lui serait réservé qu'il appréhendait. Cette lettre était le premier lien qu'il avait avec cette personne depuis des mois déjà trop nombreux.

7 ou 8 kilomètres à effectuer et à tout jamais sa vie serait changée, mais il l'ignorait encore, bien que la lettre l'informait déjà de ce bouleversement. Les premiers kilomètres n'étaient pas très difficiles, la route était plate. Au fur et à mesure de son avancée la côte devenait plus raide. Son village quitté, il y avait à peu près 2 kilomètres de plat puis la ville la plus proche qui comptait 5000 âmes. Ensuite, le chemin d'accès grimpait et il se mit debout sur les pédales pour pouvoir continuer à avancer sur sa machine. Puis, au loin il aperçu la bâtisse qui devenait plus imposante à mesure qu'il se rapprochait.

C'était une maison blanche, construite sur 3 étages, dans un virage en épingle sur la route d'un col. Lorsqu'il fut devant le portail d’entrée, il posa son vélo. Un nuage de fumée sortait de sa bouche lui rappelant le choc de température et l'effort qu'il avait fournit pour arriver jusque là. Il s'approcha du portail et sonna à l'interphone. Au bout d'une minute sans réponse, il sonna de nouveau. Toujours sans réponse et après un coup d'oeil à droite et à gauche, il finit par se décider et escalada le portail. Une fois au sommet, il sauta dans la cour d'entrée.

C'était un chemin au milieu des buissons et des différents massifs de fleurs qui à cet époque de l'année n'étaient que des monticules, plus ou moins élevés, de neige déjà transformée et fondue en partie par le réchauffement printanier laissant apparaître ça et là des tâches verdâtres au milieu du blanc immaculé. Le chemin descendait en pente légère dans un arc de cercle. A sa gauche se trouvait la remise qui dans son souvenir avait été transformée en bureau où trônaient des ordinateurs, un sac de boxe et des fauteuils. Il n'était pas venu ici pour cela. Il continua et descendit les marches menant à la terrasse de pierres où se trouvait l'entrée.


Il frappa plusieurs fois. Aucune réponse. Il s'avança et regarda par les carreaux vitrés si personne n'était présent. A tout hasard, il tourna la poignée de porte. La porte s'ouvrit. Il entra dans la cuisine propre et rangée après avoir retiré ses chaussures crottées. Sur la table des parties de cartes avaient été disputées de nombreuses fois mais une fois encore, il n'était pas ici pour se remémorer un passé obsolète. En tournant tout de suite à gauche, il se retrouva dans le salon qu'il traversa en diagonale afin d'accéder à l'escalier en bois menant à l'étage.

Il montait maintenant silencieusement sachant parfaitement que le silence de la maison était anormal et que sa place n'était pas ici. Arrivé au sommet des escaliers, il se tourna à droite vers ce qui avait été autrefois sa chambre. Son lit avait été transformé en canapé et mis en face de l'entrée de la pièce. Il entra, il était venu pour récupérer un objet précis. Cependant à peine la porte fut elle franchie qu'il s'arrêta. L'objet en question qu'il était venu chercher et les efforts fournis pour y parvenir, tout était oublié. Son coeur se mit à battre fort tandis qu'il s'approchait de ce lit d'enfant au milieu de la pièce que l'on ne pouvait apercevoir qu'en rentrant.

Lorsqu'il se pencha, il fut ému, un enfant dormait profondément emmitouflé dans des couvertures. Le souffle était calme et apaisant. Il se pencha jusqu'à toucher la joue de cet enfant endormi pour y déposer un baiser. Après tout il s'agissait de son petit frère, né il y a déjà 2 mois et il en avait tout à fait le droit.

Comme il était venu, il repartit. Silencieusement et discrètement. Un jour viendrait où enfin, il pourrait venir dans cette maison sans se cacher.


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