Sa porte est situé 3 appartements en face du mien. Des morceaux de journaux en dépassent.
Je sonne. A ce moment la minuterie du couloir éteint les lumières et je me retrouve dans une semi-obscurité. De l'autre côté de la porte, j'entends un bruissement. La porte s'entrebâille et un homme relativement âgé m'ouvre la porte. D'une voix un peu chevrotante et très méfiante : "Que voulez-vous ?" De ma voix la plus aimable (et en souriant), je lui répond que je suis un de ses voisins et que je souhaiterai lui emprunter un déboucheur. Il ouvre alors plus grand sa porte et me fait rentrer (un peu de force) dans son appartement. Avant même de rentrer, des effluves d'odeurs de renfermés mélangés à ceux dû à son âge (oui les personnes âgées ont une odeur plus âpre) envahissent mes naseaux et me mettent dans l'ambiance.
Mon voisin devait être un octogénaire ou plus très loin. Vêtu d'un pull délavé beige et d'un pantalon en velours marron qu'il ne remplissait pas. Au pied, des chaussons bleu foncé à carreaux vert kaki. Il avait les traits marqués, un nez aquilin, replié sur lui-même et bossué. Les joues creuses, des pommettes saillantes et des yeux enfoncés. Quelques cheveux blancs éparses et décoiffés sur le crâne terminant ce portrait. Son appartement était assez sombre. Je ne pouvais qu'entre-apercevoir la pièce de gauche. Un mur juste en face de moi avec une porte, c'était ma principale vision. Des cartons étaient empilés ça et là, désordonnés, donnant un aspect de champs de batailles où circuler devait être difficile. Alors qu'un silence de mort submergeait ses murs, je me sentais comme au milieu d'une cacophonie.
A peine entré, il referma la porte derrière moi. "Comme dans un piège à rats" me dis-je intérieurement. Il s'excusa pour le désordre et me redemanda ce que je cherchais.
"Un déboucheur... un déboucheur...
- Oui le truc rouge avec un bâton qui aspire.
- Oui, oui, je vois très bien ce que c'est."
Il ouvrit donc la porte en face de nous. Alluma la lumière et je vit le débarras. Non plutôt la salle de bain. Enfin ce qui ressemblait à une salle de bain. La baignoire dans le fond de ce local blafard de quelques mètres carrés. Un étendoirs au dessus où quelques vêtements séchaient. Dans la baignoire une bassine rouge à moitié pleine (ou vide au choix), sur une autre bassine à l'envers. Elles étaient sous le robinet. A droite, l'évier en émail blanc au dessus d'un meuble de la même couleur. Dans une eau croupie et savonneuse, des chaussettes et un t-shirt trempaient. Directement à côté toujours à droite, les toilettes. Un fratras posé sur la cuvette, sur le meuble blanc, sur la petite tablette qui trônait sous le miroir et au dessus de l'évier. Le reste n'était que fourbi et journaux. Il cherchait lentement, courbé, alenti par le poids des années.
"- Non je ne le retrouve pas, je suis désolé, jeune homme.
- Je vous remercie en tout cas et..."
Avant que j'ai eu le temps de faire le moindre geste, il reprit :
"- Vous savez j'ai une fuite d'eau. En une nuit, 5 litres au moins coulent. Je sors d'une grippe alors je n'ai pas eu le temps de m'en occuper.
- Ah ?
- Oui. Mais je vais mieux. Mais regardez donc."
Il s'avança et me montra la bassine rouge à demi pleine (ou vide ça n'a pas changé), la vida tout en continuant de parler. J'avoue qu'à ce moment j'ai décroché. Mes yeux allaient en tous sens. Je le regardait, je répondait machinalement et poliment en pensant que personne devait venir le voir, que son appartement était minable et que je devais être sa première visite depuis des semaines. Je l'imaginais plus jeune, me disant qu'il avait dû être séduisant. Homme d'affaires, je le voyait bien, célibataire endurci, il devait être quelqu'un. Il avait dû en faire tourner des têtes. Mais voilà. Aujourd'hui, il vivait dans un appartement minable seul, et ne voyant pas grand monde. Il n'était plus rien. Un vieillard.
Il représentait tout ce que je redoute de devenir.
Je repense à cette citation :
"le célibataire vit comme un roi et meurt comme un chien, l'homme marié vit comme un chien et meurt comme un roi..."
Et maintenant à chaque fois que je repasse devant sa porte je me dis qu'un jour il va mourrir chez lui, qu'avant qu'on découvre son corps, il faudra plusieurs jours. Ce n'est que l'odeur qui nous alertera. Je suis tout de même repasser pour voir si tout allait bien. Juste un bonjour comment allez-vous. Je n'avais pas beaucoup de temps.
En tout cas ma plus grande peur a un visage, je ne faisait que l'imaginer jusqu'à maintenant. Je l'ai vu je l'ai regardé dans les yeux, et je pense que la mort sera plus douce qu'une fin de vie telle que celle-ci.
Quelle rencontre et quelle narration!
RépondreSupprimerEffectivement le célibat cause beaucoup de problème , mais la solitude est encore plus dévastatrice pour les gens âgées.
Une bonne nouvelle ds cette histoire..votre problàme d'eau chaude semble réglé!:)
Je trouve ça triste...
RépondreSupprimerCet homme a besoin de compagnie.
@ Noèse : Merci noèse. Oui, le problème d'eau chaude est réglé ^^. Le célibat n'est pas un problème, au contraire il crée de l'emploi (à voir le nombre de sites de rencontres). Par contre, la solitude des personnes âgées est horrible.
RépondreSupprimer@ Homer : Oui, j'ai ressenti la même chose. C'est pour cela que j'ai écrit ce post. Il y a une personne âgée comme ça autour de chacun d'entre nous.
Un petit bonjour de temps en temps comme tu l'as fait lui donnera le sourire pour la journée ...
RépondreSupprimerEt pour ta douche :
1 / Tu enlève avec tes petites mains tous les cheveux qui bloquent la bonde (pas besoin de déboucheur pour ça et ça devrait déjà régler une bonne partie du problème)
2 / Tu vas t'acheter un déboucheur ... ça coute pas cher et ça sert régulièrement dans une vie et/ou une bouteille de Destop ... au cas où les cheveux mélés à des mois de savons et de shampoing se soit transformés en une sorte de béton armé (c'est du vécu).
P.S. : Bonne bricoleuse, mais je n'intervient que chez moi ;-)
apporte lui des galettes....
RépondreSupprimer@ Mam'Julie : Oui j'ai finalement opté pour le produit ^^. Pour ton P.S. : je suis bricoleur également, mais j'avoue avoir des lacunes en plomberie...
RépondreSupprimer@ menfin : Je ne suis pas bons en pâtisserie, c'est le travail de la princesse. Moi je m'occupe des plats
Tu nous refais le coup d'Amélie Poulain...sourire!! Tu ne vas pas tarder à boire ton vin chaud en grignotant ton Spéculos.
RépondreSupprimerC'est très bon, si je puis me permettre.
RépondreSupprimerBobyé !
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